Le Fleuve de l'Oubli

Par Denis Gerfaud

Préambule

Il y a exactement 30 ans – c'était en 1986 – paraissait dans Casus Belli, 34e du nom, une aventure dont vous êtes le héros, intitulée « Le Fleuve de l'Oubli », écrite par Denis Gerfaud, auteur de Rêve de Dragon. Le lecteur-joueur y incarne un futur magicien qui doit faire face pour la première fois au terrible Fleuve de l'Oubli, une zone particulièrement dangereuse des Terres Médianes du Rêve, symbolisant cet « état de conscience » dans lequel doit se trouver le jeteur de sorts pour pratiquer son art.
Avec l'aimable autorisation de Denis Gerfaud, Scriptarium vous propose de (re)venir sur la berge du Fleuve dont la traversée va se révéler particulièrement épineuse. Pas besoin de dé ici, ni même de feuille de personnage ; seul un décompte de « points de rêve » est à notifier, vous n'avez qu'à suivre votre instinct et cliquer sur les numéros de paragraphes qui vous semblent les plus opportuns. Courage...

Avant-propos

Vous êtes un futur magicien, un futur haut-rêvant. Jusqu'à présent, vos études n'ont constitué qu'en d'interminables lectures théoriques. Or voici venu le moment de les mettre en pratique. Depuis peu, vous avez accès aux Terres Médianes du Rêve, et votre épreuve va être maintenant de vaincre le Fleuve pour la première fois, le terrible Fleuve de l'Oubli. Cette quête onirique est la première étape, indispensable, sur le véritable chemin du haut-rêve.

***

Vous allez vous endormir et rêver. Votre rêve vous déposera certainement sur les rives-mêmes du Fleuve. Votre épreuve consistera alors à le traverser et à rejoindre la berge opposée. Facile... pensez-vous avant de sombrer dans le sommeil ? Hum ! Ne soyez pas trop présomptueux. Au moment où vous vous endormez, vous possédez 10 points de rêve. Au cours de votre quête, vous aurez à en dépenser (voire à en regagner). Tant qu'il vous restera au moins un point, le rêve continuera et tout ira bien. Mais si, cauchemar aidant, vos points tombaient à zéro, ce serait aussitôt le réveil, la fin du rêve, l'échec. Prenez donc grand soin d'en établir le décompte exact. Cette règle du jeu est la seule ; il n'y a par ailleurs aucun jet de dés à faire.

***

Vous êtes sur la berge du grand Fleuve de l'Oubli : un miroitement de vaguelettes qui s'étend, semble-t-il, à l'infini, un immobile moutonnement d'écume. La berge opposée, si elle existe, est trop loin pour être visible. Plus précisément, vous êtes sur un quai. Derrière vous : les bruits assourdis d'une cité. L'eau vous appelle et vous nargue en même temps. Comment allez-vous traverser ? En plongeant, bravement, à la nage ? Ou à bord d'un bateau ? Deux nefs sont précisément accostées. La première est sombre : coque, voiles et mâture semblent être tirées de l'encre-même de la nuit. L'autre est claire, si pâle que le moutonnement du Fleuve peut presque encore se lire au travers. Le prix de la traversée, quel qu'il soit, ne pose pas de problèmes : vous avez de l'or en suffisance. Vous devez prendre une décision. Tenter la traversée à la nage ? (8). Vous embarquer à bord de la nef noire ? (2).Vous embarquer à bord de la nef blanche ? (10).

En vérité, aucune difficulté ne se présente, et vous voilà maintenant à bord de la nef noire. Le vent souffle et gonfle les grandes voiles de ténèbres. A ce déploiement de toile noire, c'est presque comme si la nuit tombait brusquement. Le ciel s'obscurcit, les ombres s'allongent, cependant que, malmenées par le vent, les voiles claquent maintenant comme de grandes ailes impatientes. Par delà le bastingage, vous voyez les vagues grossir à vue d'oeil... Le cauchemar vous lorgne. Que faites-vous ? Vous renoncez à la nef noire et sautez à l'eau pour regagner le rivage à la nage ? (8). Ou vous continuez et demeurez à bord malgré les sinistres présages ? (20).

Le capitaine s'écrie bientôt : « Ils gagnent encore du terrain ! Si nous ne ramons pas, nous sommes perdus !, puis il se tourne vers vous : "Cela vous concerne également ! rugit-il. Tous les bras valides doivent travailler! Dépêchez-vous de trouver une place au banc des rameurs et souquez ferme ! »
Déjà le tambour scande le rythme de l'effort imposé, cependant qu'un fouet commence à claquer sur les épaules trop paresseuses. Quelle est votre réaction? Vous allez prendre place parmi les rameurs? (31). Ou bien, protestant, vous prétendez au capitaine que vous connaissez un meilleur moyen d'accroître la vitesse du bateau? (9).

Vous n'êtes certes pas encore un véritable haut-rêvant, mais vous maîtrisez suffisamment votre rêve pour y inclure un détail aussi insignifiant. Vous perdez donc 4 points de rêve, et une grande jarre d'aïoli se trouve maintenant devant le pêcheur. (Elle s'y trouve comme si elle y avait toujours été). Le pêcheur est ravi. Il bat des mains et ne sait comment vous remercier. Enfin, il dit : « Restez avec moi. Je ne puis faire autrement que de vous inviter à partager mon souper. Je vous en prie, acceptez, tout le plaisir est pour moi, et cette sauce a l'air délicieuse! Mais il ajoute bientôt en se renfrognant : « L'ennui, c'est que si j'ai la sauce, je n'ai toujours pas de poisson ». Que faites-vous ? Présageant de nouvelles exigences, vous le quittez séance tenante, poliment mais fermement ? (6). Ou bien, devançant une éventuelle demande, vous décidez d'aller pêcher pour lui et vous lui promettez de rapporter bientôt un poisson ? (27).

La fraîcheur de l'eau vous fait reprendre conscience. Même si vous ne savez pas trop comment, vous comprenez que vous êtes tombé par dessus bord. Vous aspirez une large goulée d'air. Juste à temps. Une seconde de plus et vous commenciez à vous noyer.Votre situation est maintenant univoque. Vous n'avez plus qu'une seule chose à faire: nager (43).

Et c'est ainsi que vous ne tardez pas à vous retrouver sur le quai. Les deux nefs y sont accostées, la blanche et la noire, prêtes à lever l'ancre. Voyant votre hésitation, les deux capitaines vous hèlent et vous font chacun signe de monter à leur bord. Le capitaine noir porte un bandeau sur l'oeil et le capitaine blanc est vêtu d'une sorte de longue soutane neigeuse. Vous n'avez plus le temps d'hésiter. Quelle nef choisissez-vous ? La noire ? (2) ou la blanche ? (10).

Pouvez-vous/voulez-vous dépenser 4 points de rêve? (Vous n'êtes pas obligé de les dépenser, mais si vous voulez le faire, il faut évidemment les posséder) . Oui ? (53). Non ? (35).

Vous plongez et vous vous mettez à nager vigoureusement. L'eau n'est ni trop froide ni trop chaude, et il semble que vous progressez rapidement... Et pourtant, votre mouvement est brusquement interrompu ! Quelque chose vous entrave bras et jambes ... un filet ! Avant que vous soyez revenu de votre surprise, vous vous sentez soulevé dans les airs; et à travers les mailles du filet qui vous emprisonne, vous apercevez le visage jubilant d'un pêcheur. De toute évidence, il est ravi d'une prise aussi belle et suppute déjà le diamètre de la poêle à frire qu'il compte utiliser. Que faites-vous ? Vous le suppliez de vous rejeter à l'eau, arguant que vous êtes bien trop petit et qu'il serait bien plus avantageux pour lui de vous repêcher dans quelques temps, quand vous aurez grossi ? (13) Ou bien, en échange de votre liberté, vous promettez de lui exaucer un voeu , ajoutant que si ce vœu échoue, vous vous résignerez à accepter votre sort (16)?

Pouvez-vous/voulez-vous dépenser 4 points de rêve ? (Vous n'êtes pas obligé de les dépenser, mais si vous voulez le faire, il faut évidemment les posséder) . Oui ? (40). Non ? (57).

En vérité, aucune difficulté ne se présente, et vous voilà maintenant à bord de la nef blanche. Le vent souffle et gonfle les grandes voiles transparentes. Or elles sont si fines, elles ont l'air si immatérielles qu'on dirait bien que le vent passe au travers et que la nef n'avance pas. Depuis le château arrière, le capitaine vous désigne un point noir :« la nef noire ! s'écrie-t-il. Ils sont à notre poursuite et, par malheur, ils sont beaucoup plus rapides que nous ! Nous sommes perdus car ce sont de féroces pirates, cruels et sans merci!... » Et de fait, menaçante de ténèbres, la nef noire est dans votre sillage... Le cauchemar vous lorgne. Que faites-vous ? Vous abandonnez la nef blanche à son destin et sautez à l'eau pour regagner le rivage à la nage ? (8). Ou bien vous demeurez à bord malgré les sinistres menaces ? (3).

Puis vous revenez bientôt vers les maisons du port. Vous êtes préoccupé. Vous vous demandez, finalement, si vous avez bien agi sagement. Ce que vous attendez, d'une manière ou d'une autre, c'est un « signe » du poisson multicolore. Or, voilà que deux boutiques attirent votre regard, celle d'un barbier portant l'enseigne de « La Belle Barbue », et celle d'un apothicaire portant comme enseigne « A la Bonne Huile de Foie de Morue ». Vous vous sentez attiré. Mais dans laquelle des deux boutiques choisissez-vous d'entrer ? Chez le barbier ? (55). Ou chez l'apothicaire ? (23).

Par chance, on vous aperçoit. Une chaloupe est envoyée à votre rencontre et vous prenez bientôt pied à bord de la nef noire. Tout le monde à bord semble d'excellente humeur et votre arrivée est saluée par des « Hurrah ! » retentissants. Brave équipage ! Pensez-vous . (25).

Le pêcheur se met à rire. « Tu me prends pour un débutant?, s'écrie-t-il. On m'a déjà fait ce coup-là, et je ne me laisserai pas berner deux fois. Je te tiens, je te garde !... » Et joignant le geste à la parole, il vous roule rapidement dans la farine, puis vous plonge dans la bassine à friture. L'huile est en ébullition. C'est le cauchemar : vous allez frire ... Pouvez-vous/voulez-vous dépenser maintenant 4 points de rêve ? (Vous n'êtes pas obligé de les dépenser, mais si vous voulez le faire, il faut évidemment les posséder) . Oui ? (26). Non ? (21).

Bon , d'accord ! puisque vous y tenez, puisque ça ne vous choque pas, puisque vous trouvez ça naturel... Supposons que ces 14 marins soient ceux de la nef noire. D'ailleurs, cette couleur ne leur va pas si mal, tout compte fait. .. Mais, soyons cohérents ! si ces marins sont ceux de la nef noire, c'est que vous devez être également à bord de la nef noire ... (2).

Vous dépensez donc 2 points de rêve. Après cette dépense, vous en reste-t-il encore ? (29). Ou êtes-vous tombé à zéro point de rêve ? (37).

Le pêcheur n'hésite qu'un instant, puis opine du menton. « Je voudrais... je voudrais... hésite-t-il, je voudrais... un grand pot de sauce à l'ail ! C'est tellement bon, la sauce à l'ail avec le poisson !... » Vous pensez qu'un tel vœu ne doit pas être bien difficile à exaucer. Mais pour cela, encore faut-il que vous puissiez dépenser 4 points de rêve. Pouvez-vous/voulez-vous dépenser ces 4 points ? (Vous n'êtes pas obligé de les dépenser, mais si vous voulez le faire, il faut évidemment les posséder). Vous les dépensez ? (4). Vous ne les dépensez pas et demandez au pêcheur de vous lâcher, puis de vous tourner le dos en fermant les yeux ? (13) .

Les marins cessent brusquement de chanter. Et le capitaine vous regarde, l'air contrit et désolé. « Noire, bien sûr, vous avez raison. Nous sommes les marins de la nef noire, il n'y a rien à dire, déclare-t-il. Puis, dégainant son sabre, il ajoute : Nous voulions vous épargner, mais puisque vous insistez, puisque vous nous rappelez à notre devoir... Sachez que nous sommes des pirates cruels et sans merci... » Vous vous rendez compte alors que tout l'équipage fait maintenant cercle autour de vous, sabre à la main, couteau entre les dents. La mort se lit dans leurs yeux. Une seule solution, pensez-vous en un éclair, leur faire à nouveau croire qu'ils sont les marins de la nef blanche. Dans ce but , pouvez-vous/désirez-vous dépenser 2 points de rêve ? (Vous n'êtes pas obligé de les dépenser, mais si vous voulez le faire, il faut évidemment les posséder). Oui ? (15). Non ? (28).

Vous n'avez plus de points de rêve ... et vous vous réveillez. Votre quête a échoué, le Fleuve de l'Oubli a eu raison de vous. Peut-être ferez-vous mieux une prochaine fois. FIN

Vous retournez vers la maison du pêcheur avec votre prise. Un attroupement s'est formé devant sa porte. Vous demandez ce qui se passe, on vous répond que le pêcheur vient d'être assassiné... Soudain, l'une des personnes s'écrie : «Mais vous étiez avec lui, tout à l'heure ! Vous vous disputiez ! - Oui! renchérit une autre, on vous a vu, vous n 'étiez pas content !» Une troisième ajoute : « Restez ici en attendant l'arrivée des gardes » ... Que faites-vous ? Pensant pouvoir vous disculper, vous attendez l'arrivée des gardes ? (54). Ou bien vous tentez de fuir ? (58).

Le vent se met bientôt à souffler avec une rage noire. La nef est secouée par d'énormes vagues, c'est la tempête. Le capitaine vient alors vous trouver cependant que l'équipage commence à faire cercle autour de vous. « Il n’y a qu'un moyen d'apaiser la tempête, dit-il, c'est d'offrir un sacrifice au fleuve. -Un sacrifice ! rugit l'équipage. - Et c'est vous que le sort a désigné pour être sacrifié, continue le capitaine. - C'est lui! c'est lui! » explose à nouveau l'équipage en resserrant son cercle autour de vous. Que faites-vous ? Vous tâchez de rompre l'encerclement en vous battant courageusement ? (39). Ou vous prétendez au capitaine que vous connaissez un autre moyen de calmer la tempête ? (7).

Vous êtes dans la friture! Votre rêve va se terminer avec une rondelle de citron sur le dos et une branche de persil dans les ouïes... Le cauchemar est atroce. Vous perdez plus de 10 points de rêve... et vous vous réveillez. Le Fleuve de l'Oubli a eu raison de vous, votre quête a échoué. Peut-être ferez-vous mieux la prochaine fois. FIN

L'eau froide vaut certainement mieux que l'huile bouillante. Mais tous les problèmes ne sont pas pour autant résolus. Si vous ne faites rien, vous allez maintenant vous noyer. Dans les circonstances actuelles, vous n'avez donc plus qu'une seule chose à faire : nager (43).

Vous entrez chez l'apothicaire. Sans vous saluer, sans même vous regarder, ce dernier vous tend aussitôt une fiole contenant une mixture d'un aspect jaunâtre et ordonne d'une voix sans réplique : « Buvez! » Que faites-vous ? Vous buvez ? (42). Ou, repoussant la fiole, vous refusez ? (36).

Eh bien, c'est parfait ! Les marins sont donc persuadés d'être ceux de la nef noire. Le seul ennui, c'est que les marins de la nef noire sont des pirates cruels et sans merci. Ricanant de vous avoir bien eu, ils se jettent sur vous toutes lames dehors. L'acier froid vous transperce de part en part. Le cauchemar est atroce...et vous vous réveillez. Le Fleuve de l'Oubli a eu raison de vous, et votre quête a échoué. Peut-être ferez-vous mieux la prochaine fois. FIN

La joie est telle, que l'équipage se met bientôt à chanter. Le refrain vole de bouche en bouche : « Nous sommes les heureux marins de la nef blanche... » chantent-ils. A ces paroles, vous sursautez. Pourquoi « nef blanche » ? N'êtes-t-vous pas sur la nef noire ? Les marins doivent se tromper. Que faites-vous ? Vous leur faites remarquer leur erreur ? (17). Ou bien le fait vous semble sans importance , et vous les laissez dire ?(46).

Vous n'êtes pas encore un haut-rêvant, mais vous maîtrisez suffisamment le rêve pour pouvoir y apporter une modification. Vous dépensez donc 4 points de rêve, et l'huile bouillante se change aussitôt en eau froide (22).

Vous lancez le filet, et bientôt la chance vous favorise. Vous ramenez dans les mailles un joli poisson frétillant multicolore comme l'arc-en-ciel. Tout à la pensée du bon dîner que vous allez faire, vous sursautez quand le poisson se met soudain à parler : « Relâche-moi, supplie-t-il , et tu auras droit à toute la reconnaissance... » Que faites-vous ? Vous le rejetez à l'eau ? (47). Ou, pensant au pêcheur qui vous attend , vous le gardez et revenez chez ce dernier ? (19).

Avec des grimaces sordides, les pirates se jettent sur vous, toutes lames dehors. L'acier froid vous transperce de part en part. Le cauchemar est atroce … et vous vous réveillez. Le Fleuve de l'Oubli a eu raison de vous, et votre quête a échoué. Peut-être ferez-vous mieux la prochaine fois. FIN

Eh bien, c'est parfait ! Tout le monde est donc finalement persuadé d'être à bord de la nef blanche. Le seul ennui,c'est que la nef blanche n'existe pas. C'est un vaisseau fantôme, et son équipage n'a pas davantage de substance. Et vous ? comment pouvez-vous être à bord d'un vaisseau qui n'existe pas, à moins de ne pas exister vous-même ? Cette constatation prend brusquement la teinte d'un cauchemar atroce... et vous vous réveillez. Le Fleuve de l'Oubli a eu raison de vous, et votre quête a échoué. Peut-être ferez-vous mieux la prochaine fois. FIN.

Le poisson se jette sur vous et vous dévore. C'est un cauchemar atroce... vous perdez plus de 10 points de rêve, et vous vous réveillez . Le Fleuve de l'Oubli a eu raison de vous, et votre quête a échoué. Peut-être ferez-vous mieux la prochaine fois. FIN

Comme vous vous penchez près du sabord ouvert pour prendre place sur le banc, une voix crie : « Attention ! » Vous relevez la tête, ce qu'il ne fallait pas faire. Le bois de la rame vous heurte violemment la tête, et tout devient noir. Vous perdez conscience (5).

Et la nef blanche disparaît... comme si elle n'avait jamais existé. Ni coque, ni voiles, ni mâture, ni équipage... tout est fantôme et n'a pas plus de substance que... que vous, peut-être ! Comment pouvez-vous exister à bord d'un vaisseau qui n'existe pas, à moins de ne pas exister vous-même ? Cette constatation prend brusquement la teinte d'un cauchemar atroce... et vous vous réveillez. Le Fleuve de l'Oubli a eu raison de vous, et votre quête a échoué. Peut-être ferez-vous mieux la prochaine fois. FIN

Vos points de rêve sont tombés à zéro, et vous allez vous réveiller. Cependant, sur la frange même entre le rêve et la réalité, un poisson se dessine soudain et emplit bientôt tout votre champ de vision. C'est le poisson que vous aviez pêché puis relâché, le poisson multicolore. « Je ne t'ai pas oublié, dit-il. Tu veux traverser le Fleuve, eh bien traverse-le. Continue ton rêve... » Le poisson s'efface sur ces mots. Quant à vous, vous avez, de fait, encore 1 point de rêve, et votre rêve se poursuit. Mais où êtes-vous ? Vous n'êtes plus ni sur la nef blanche, ni sur la nef noire (59).

L'incident a pour effet de causer un attroupement. De partout, des curieux accourent. Que faites-vous ? Vous attendez les gardes ? (54). Ou vous tentez de vous éclipser ?(58).

Les marins vocifèrent : « Il cherche à nous duper! Il faut le sacrifier maintenant ! » Vous n'avez plus qu'une solution : vous battre (39)

« Comment ! s'exclame l'apothicaire, vous ne voulez pas boire de mon huile ? la meilleure de tout ce côté-ci du Fleuve? voilà qui est trop fort! » Et, de désarroi , il en laisse tomber la fiole qui se brise sur le carrelage. Puis il se met à beugler : « Au secours! A la trahison! Gardes! Gardes! » (34).

Êtes-vous tombé sur un paragraphe où l'on vous a demandé de noter un numéro, et l'avez-vous noté ? Oui ? (51). Non ? (18).

Le gros poisson se met à sourire de toutes ses dents... un sourire plutôt lugubre et plutôt carnassier ! « Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? ricane-t-il. Ce genre de conte est bon pour les petits poissons, moi je suis un gros et je n'entre pas dans ces combines foireuses. Je te tiens, je te mange ! » Et joignant le geste à la parole, il vous dévore en un clin d'œil. Le cauchemar est si atroce que vous perdez plus de 10 points de rêve... et vous vous réveillez. Le Fleuve de l'Oubli a eu raison de vous, et votre quête a échoué. Peut-être ferez-vous mieux la prochaine fois. FIN

Vos assaillants vous entourent de toutes parts, et la vérité est qu'ils sont bien trop nombreux pour vous. Vous recevez soudain un violent coup derrière la tête. Tout devient noir. Vous sombrez dans l'inconscience (5).

Vous n'êtes pas encore un haut-rêvant, mais il vous est néanmoins possible de maîtriser quelque peu le cours de votre rêve. Vous dépensez donc 4 points de rêve, et les rames se mettent d'elles-mêmes à fendre l'eau d'une façon frénétique. Bientôt la nef noire est hors de vue. Vous êtes sauvés! La joie éclate à bord, et les marins, tout heureux, se mettent à chanter. Le refrain vole de bouche en bouche. « Nous sommes les heureux marins de la nef noire ! » chantent-ils. A ces paroles, vous sursautez. Pourquoi « nef noire »? N'êtes-vous pas sur la nef blanche ? Les marins doivent se tromper. Que faites-vous ? Vous leur faites remarquer leur erreur ? (45). Ou bien le fait vous semble sans importance, et vous les laissez dire ? (14).

« Comment ! s'exclame le barbier, vous méprisez le fil de mon rasoir, le meilleur de tout ce côté-ci du Fleuve ? voilà qui est insupportable ! » Et de désarroi il laisse tomber son plat à barbe qui se brise sur le carrelage. Puis il se met à hurler : « Au secours ! à la trahison ! gardes! à moi ! Gardes ! » (34).

Vous buvez le contenu de la fiole en faisant la grimace. C'est de l'huile de foie de morue, et elle est affreusement rance. Cependant, l'apothicaire vous observe attentivement. « Vous vous sentez mieux ? », demande-t-il quand vous avez fini la fiole. Et en vérité, à votre propre surprise. vous vous sentez maintenant tout ragaillardi. Vous regagnez tous les points de rêve que vous avez éventuellement dépensés. Puis vous quittez la boutique (6).

Brasse après brasse, vous nagez. Mais la berge, si elle existe, est affreusement loin... Vous nagez encore. Bientôt, vous finissez par apercevoir la nef blanche qui vogue allègrement, et non loin d'elle la nef noire. Mais vous apercevez également, fendant les vagues, les nageoires d'un énorme poisson. Les deux nefs continuent de croiser dans les parages, le poisson aussi. Vu la taille de ses nageoires, ses mâchoires doivent être gigantesques. Et toujours pas de berge en vue. Vous commencez à fatiguer terriblement. Que faites-vous ? Vous propulsez vos dernières forces en direction de la nef noire ? (12), de la nef blanche ? (56), ou du poisson ? (50).

Vous vous écriez : « ô poisson , souviens-toi qu'un jour j'ai été miséricordieux et que j'ai relâché ma prise au lieu de m'en faire un bon dîner. J'espère que la reconnaissance n'est pas un vain mot chez les poissons, je t'en prie, épargne-moi ! » Ajoutez 25 au numéro que vous avez noté et reportez-vous au paragraphe dont le numéro correspond à cette somme.

Les marins cessent brusquement de chanter. Et le capitaine vous regarde, l'air contrit et désolé. « Blanche, bien sûr, vous avez raison. Nous sommes les marins de la nef blanche, il n'y a rien à redire », déclare-t-il. Mais il ajoute bientôt : « Nous voulions vous aidez à traverser le Fleuve, mais puisque vous insistez, puisque vous nous rappe lez à notre condition...Sachez que la nef blanche est un vaisseau fantôme. Nous n 'existons pas. Nous allons disparaître, et maintenant que vous le savez, vous allez disparaître avec nous ». Vous vous rendez compte que tout l'équipage devient effectivement, peu à peu, insubstanciel. La nef blanche s'efface. Une seule solution, pensez-vous en un éclair, leur faire à nouveau croire qu'ils sont les marins de la nef noire. Dans ce but, pouvez-vous/désirez-vous dépenser 2 points de rêve ? (Vous n'êtes pas obligé de les dépenser, mais si vous voulez le faire, il faut évidemment les posséder.) Oui ? (48). Non ? (32).

Bon, d'accord ! Puisque vous y tenez, puisque ça ne vous choque pas, puisque vous trouvez ça naturel... Supposons que ces marins soient ceux de la nef blanche. D'ailleurs, cette couleur ne leur va pas si mal, tout compte fait... Mais, soyons cohérents ! Si ces marins sont ceux de la nef blanche, c'est que devez être également à bord de la nef blanche... (10).

Vous rejetez le poisson à l'eau, qui file aussitôt sans demander son reste . Toutefois, avant de disparaître pour de bon sous les vagues, il se retourne une dernière fois vers vous et vous crie : « C'est promis, je me souviendrai de toi le moment voulu... tu peux compter sur moi. » Puis il disparaît. (Si vous comptez sur la reconnaissance du poisson, notez quelque part en marge, ou dans votre mémoire si vous vous y fiez, « numéro 13». Ce numéro vous servira peut-être.) Vous restez perplexe à regardez l'eau là où le poisson vient de disparaître, puis, hochant la tête, vous faites lentement demi-tour (11).

Vous dépensez donc 2 points de rêve. Après cette dépense, vous en reste-t-il encore ? (24). Ou êtes-vous tombé à zéro point de rêve ? (37).

La joie est telle, à bord , que l'équipage se met bientôt à chanter. Le refrain vole de bouche en bouche : « Nous sommes les heureux marins de la nef noire... » chantent-ils. A ces paroles, vous sursautez. Pourquoi « nef noire » ? N'êtes-vous pas sur la nef blanche ? Les marins doivent se tromper. Que faîtes-vous ? Vous leur faites remarquer leur erreur ? (45). Ou bien le fait vous semble sans importance, et vous les laissez dire ? (14).

Le poisson est maintenant tout près. Il est effectivement très gros. Et vous n'aviez pas mésestimé la taille de ses mâchoires ; elles sont vraiment énormes, grandes ouvertes, hérissées de dents, et prêtes à ne faire de vous qu'une seule bouchée. Aïe ! La situation est déplaisante. Etes-vous précédemment tombé sur un paragraphe où l'on vous a demandé de noter un numéro ? Oui ? (44). Non (30).

Puisque vous avez noté un numéro, ajoutez-y 20 et reportez-vous au paragraphe dont le numéro correspond à cette somme.

Le rasoir du barbier s'active hardiment et bientôt vos belles boucles sont toutes sur le sol. Dans la glace, vous voyez que le barbier a l'air très satisfait. « Vous vous sentez mieux ? » demande t-il. Et, en vérité, cette toilette vous a tout ragaillardi. Vous regagnez tous les points de rêve que vous avez éventuellement dépensés. Puis vous quittez la boutique (6).

Vous n'êtes pas encore un haut-rêvant, mais il vous est néanmoins possible de maîtriser quelque peu le cours du rêve. Vous dépensez donc 4 points de rêve, et le vent cesse de mugir. Les vagues diminuent de grosseur. La tempête s'éloigne. Vous êtes sauvés ! La joie éclate à bord, et les marins, tout heureux, se mettent à chanter. Le refrain vole de bouche en bouche : « Nous sommes les heureux marins de la nef blanche...» chantent· ils. A ces paroles, vous sursautez. Pourquoi « nef blanche » ? N'êtes-vous pas sur la nef noire ? Les marins doivent se tromper. Que faites-vous? Vous leur faites remarquer leur erreur ? (17). Ou bien le fait vous semble sans importance, et vous les laissez dire ? (46) .

Les gardes ne tardent pas à survenir, et le lieutenant donne l'ordre de vous arrêter séance tenante. Le procès ne traîne pas en longueur. Toutes les évidences sont contre vous : vous êtes coupable. Cependant, le juge vous donne le choix de votre peine : soit vous êtes pendu, soit vous quittez immédiatement le pays sur le premier vaisseau en partance. Ce vaisseau se trouve être la nef noire. Vous choisissez néanmoins cette seconde possibilité, en espérant que le capitaine de la nef noire vous acceptera à son bord (2).

Vous entrez chez le barbier. Sans vous saluer, sans même vous regarder, ce dernier se précipite aussitôt sur vous, le rasoir à la main. Il ordonne d'une voix sans réplique : « Asseyez- vous, je vais vous tondre ! » Que faites-vous ? Vous asseyant, vous vous soumettez à son rasoir ? (52) . Ou vous reculez en protes tant ? (41).

Par chance, on vous aperçoit. Une chaloupe est envoyée à votre rencontre et vous prenez bientôt pied à bord de la nef blanche. Tout le monde à bord semble d'excellente humeur et votre arrivée est saluée par des « hurrah !» retentissants. Brave équipage ! Pensez-vous (49).

Le capitaine attend votre démonstration, puis tomme il ne se passe rien, il vous désigne à nouveau le banc des rameurs : « Dépêchez-vous de ramer ! s'écrie-t-il. Vous voulez donc périr? » A contre-cœur, vous allez y prendre place (31).

Vous commencez par reculer sur la pointe des pieds, prêt à foncer dès que le champ sera libre. Une voix vous murmure soudain à l'oreille : « Psstt ! par ici, suivez-moi, je peux vous sauver. Je sais que vous n'êtes coupable de rien. Mais vous devez quitter à jamais ce pays. Je puis vous faire monter discrètement à bord de la nef blanche. Le capitaine acceptera sûrement de vous prendre à son bord. Le voulez-vous ? » Apparemment, pensez-vous, il n'y a guère d'autre choix. Vous décidez de faire confiance à votre sauveur, et vous le suivez (10).

Ni blanche ni noire, en effet, vous êtes à bord des deux nefs à la fois, vous êtes à bord de toutes les nefs possibles : vous voguez maintenant sur une splendide nef multicolore, arc-en-ciel comme le poisson. Et l'idée vous vient également que la nef arc-en-ciel n'est autre que le poisson lui-même, c'est-à-dire Oniros, le Grand Rêve, encore et toujours. Ainsi parrainé, comment pourriez-vous désormais échouer dans votre quête ?... De fait, c'est sans encombre, maintenant, que vous parvenez enfin à la rive opposée qui, comme vous le subodoriez d'ailleurs, est exactement la même que celle que vous venez de quitter. Mais qu'importe ! ce n'est pas la berge qui compte, c'est le Fleuve, et vous l'avez vaincu ! Quand vous vous réveillerez tout à l'heure, débordant de joie et de pouvoir, vous ne serez plus exactement le même... Félicitations !vous avez réussi votre quête onirique, vous avez triomphé de la première épreuve sur le chemin du haut-rêve. FIN.

Denis Gerfaud

Illustration de fond : Jidus - Site : Fabrice Laffont